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LE GRAND SIÈCLE

OU LA RÉVOLUTION CULINAIRE !

Le mois d’octobre est celui du plaisir culinaire. En plus de la semaine du goût qui a lieu du 12 au 18

octobre, le 20 nous célébrons les cuisiniers ! Une belle occasion de se plonger dans les délices de

l’histoire de la cuisine française, dont l’esprit est né au XVII

e

siècle, celui du Grand Siècle !

L’ART DU SERVICE,

UNE SPÉCIALITÉ FRANÇAISE !

LE SUICIDE

DE VATEL

Si le Grand Siècle fut celui de Louis XIV, il fut

aussi celui de la cuisine française qui connaît

une véritable révolution dans l’assiette !

Le 17

e

siècle voit naître la philosophie du «bon

goût» et les règles qui en découlent. La gastro-

nomie est à l’image de la monarchie, raffinée

et magnifique! Les épices, sollicitées par les

tables de la Renaissance, laissent leur place aux

plantes aromatiques plus délicates au palais:

thym, laurier, persil, ciboulette, estragon et

romarin apparaissent dans la préparation des

mets. Les cuisiniers sortent des sentiers battus

et expérimentent de nouvelles techniques. Le

sucre est retiré des plats comme la viande et le

poisson et est désormais réservé aux gâteaux,

aux plats avec des céréales et ceux à base

d’œufs et de laitage. On voit la disparition des

sauces maigres et la seule survivante est la

moutarde! À la place, des sauces grasses et

épaisses composées de beurre, d’œufs et de

crème qui s’harmonisent mieux aux parfums

de l’estragon, du basilic et de la ciboulette.

Ce siècle est aussi celui du retour des légumes —

considérés comme vulgaires car poussant dans

la terre — dans les salades et des fruits dont la

cour raffole surtout en dessert! Le 17

e

est celui

de l’art de la confiture sous toutes ses formes:

gelée, compote ou marmelade pour accompa-

gner les boissons chaudes qui deviennent à la

mode: thé, café, chocolat se consomment au

quotidien. Tellement, que le premier salon de

thé ouvre en 1686, Le Procope* à Paris ! Lieu

privilégié des écrivains et des philosophes, vous

pouvez encore y aller pour savourer des recettes

historiques telle que «la tête de veau en cocotte

comme en 1686». Ce siècle voit l’apparition de

deux recettes incroyables qui fera de la France,

le pays des métiers de bouche: le champagne

par Pierre Pérignon, plus connu sous le nom

Dom Pérignon, et le mille-feuilles de La Varenne

qui invente la technique du feuilletage.

La révolution culinaire n’est pas que dans l’as-

siette mais autour également! L’aristocratie

comme la grande bourgeoisie accordent une

grande importance aux manières de tables.

Il suffit de se plonger dans

Le Bourgeois

Gentilhomme

de Molière pour comprendre.

Dirigé par un maître d’hôtel, dont la fonction

devient de plus en plus majeure, le service est

raffiné et fait place à l’hygiène et aux bonnes

manières. Bien que le rot soit encore d’actua-

lité, à cette époque, il reste de rigueur mais

toujours en milieu de repas, après les potages

et les entrées. Viennent ensuite les entremets

et les desserts qui sont généralement présentés

en pyramide pour époustoufler les convives!

La table doit être harmonieuse comme une

peinture.

La cuisine française devient au 17

e

siècle un

art. Les «maîtres queux» ou cuisiniers rivalisent

de nouvelles idées et sont en quête de nouvelles

saveurs, de couleurs et de décors! Si la cuisine

française connaît un tournant, c’est grâce aussi

à la littérature culinaire dont les ouvrages de La

Varenne, comme

Le cuisinier français,

assoient

l’influence de la France.

Pâtissier, traiteur, intendant et

maître d’hôtel, François Vatel est

un des plus grands organisateurs de

fêtes et de festins de l’histoire de

France!

Héros de la gastronomie française, il

se suicide le 24 avril 1671 en pleine

festivité offerte à Louis XIV par le

Prince de Condé. Pourquoi ce grand

amateur de plaisirs s’est-il donné la

mort? La réponse est donnée par

Madame de Sévigné dans sa corres-

pondance. Maître d’hôtel du Prince

de Condé et grand ordonnateur des

réjouissances, François Vatel a pour

mission de nourrir la cour arrivée la

veille avec des plats de poissons.

Attendant sa livraison avec impa-

tience, il constate que le chargement

est insuffisant. Convaincu qu’il ne

pourra pas servir ses convives, il se

suicide dans sa chambre en s’enfon-

çant une épée à travers le corps…

Quand il poussa son dernier soupir,

des victuailles pour garnir toutes les

tables arrivaient dans les cuisines…

La littérature et le cinéma se sont

emparés de ce fait divers spectacu-

laire, chacun, écrivain ou cinéaste,

imaginant les raisons de ce drame.

Mais la réalité est plus cruelle…

Vatel enchaînait les nuits de fête

et était épuisé, son obsession du

détail, son souci de l’excellence et

l’honneur le poussa à cette terrible

solution. Mais son suicide lui ouvrit

les portes de la postérité !

*LE PROCOPE :

13 rue de l'Ancienne Comédie

75006 Paris

01 40 46 79 00

procope.com